Gaza / Israël : sur la troisième requête de l’Afrique du Sud pour des mesures provisoires urgentes auprès de la Cour internationale de justice (CIJ) à l’encontre d’Israël
Gaza / Israël : sur la troisième demande de mesures provisoires urgentes de l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice (CIJ) contre Israël.
We fear that this already catastrophic situation may slide deeper into the abyss as many Palestinians mark the holy month of Ramadan – a period that is meant to honour peace and tolerance – should Israel launch its threatened military offensive into Rafah, where 1.5 million people have been displaced in deplorable sub-human conditions. Any ground assault on Rafah would incur massive loss of life and would heighten the risk of further atrocity crimes. This must not be allowed to happen. We also fear that further Israeli restrictions on access by Palestinians to East Jerusalem and Al Aqsa Mosque during Ramadan could further inflame tensions.The UN High Commissioner for Human Rights repeats that there must be an immediate end to this conflict, and that the killing and destruction must stop.
Spokesperson, UN High Commissioner for Human Rights, Geneva, « Fears over Gaza catastrophe as brutal conflict enters sixth month », official statement, March 8th, 2024
Le 6 mars 2024, la Cour internationale de justice (CIJ) a annoncé une troisième demande formelle de mesures provisoires urgentes déposée à nouveau par l’Afrique du Sud contre Israël. Ce recours est enregistré à La Haye par l’Afrique du Sud après :
- une première requête à la CIJ, présentée le 29 décembre 2023, à laquelle la CIJ a répondu par une ordonnance le 26 janvier 2024 (voir le texte officiel de cette ordonnance en français et en anglais), et ;
- une seconde demande présentée le 12 février 2024, à laquelle la CIJ a répondu le 16 février par un simple communiqué de presse (voir texte en français et anglais), indiquant qu’aucune mesure supplémentaire à celles ordonnées à l’encontre d’Israël le 26 janvier n’était nécessaire pour le moment.
Le texte de la troisième requête de l’Afrique du Sud (dont la lecture complète et détaillée est recommandée), peut être consulté sur ce lien officiel de la CIJ en anglais.
Considérant le fait que la première demande de l’Afrique du Sud a été présentée quelques jours après l’adoption, le 22 décembre 2023, de la S/RES/2720(2023) par le Conseil de sécurité, texte qui manquait de contenu significatif pour freiner l’élan d’Israël en raison de la menace d’un veto américain (Note 1), une nouvelle réflexion s’impose : c’est bien le troisième veto américain enregistré le 20 février au Conseil de sécurité qui peut être considéré comme ayant initié et précipité cette troisième requête urgente à la CIJ par l’Afrique du Sud, face au drame et à la souffrance indescriptibles à Gaza et à la défiance d’Israël.
Un Conseil de sécurité incapable (à nouveau) d’assumer ses responsabilités et ses pouvoirs à Gaza en raison du veto américain ? La diplomatie sud-africaine semble répondre au veto susmentionné par une nouvelle action devant le juge international.
Les États-Unis au début de 2024 ou l’histoire d’un soutien indéfendable et injustifiable à Israël.
Au sujet du veto américain observé le 20 février, il est intéressant de noter que le vice-président américain a publiquement exigé d’Israël (voir l’article du Guardian du 3 mars) la même chose que ce qui était contenu dans la résolution proposée par l’Algérie et à laquelle le délégué américain à New York a opposé son veto le 20 février : un cessez-le-feu immédiat pour des raisons humanitaires. En effet, le premier paragraphe du dispositif du projet de résolution S/2024/173 se lisait comme suit :
1. Demands an immediate humanitarian ceasefire that must be respected by all parties; »
« 1. Exige un alto el fuego humanitario inmediato que deben respetar todas las partes;
Ainsi, sauf erreur de notre part, dans l’organigramme du pouvoir exécutif américain (comme dans celui des 192 autres États membres de l’ONU), un délégué ayant rang d’ambassadeur des États-Unis au Conseil de sécurité de l’ONU doit être considéré comme un fonctionnaire subalterne par rapport au rang officiel détenu par le vice-président des États-Unis.
Par conséquent, cette déclaration officielle vide de son contenu la justification officielle donnée par la représentante diplomatique susmentionnée pour tenter de justifier son vote contre ses homologues du Conseil de sécurité (voir le procès-verbal de la réunion S/PV.9552 du 20 février 2024, pages 6).
Le rôle des États-Unis dans le conflit israélo-palestinien : soutien aveugle ou politique d’intérêt ?
À cet égard, il convient de noter que, dans son intervention lors de la même réunion du Conseil de sécurité, le représentant de la Palestine a déclaré que
(pages 14-15).
De même, il convient de noter que le 6 mars, la pression sur l’exécutif américain s’est accrue lorsque le Washington Post a publié un rapport intitulé « U.S. floods arms into Israel despite mounting alarm over war’s conduct » (lecture intégrale recommandée) dans lequel l’opacité totale des transferts d’armes américaines vers Israël depuis le 7 octobre est révélée.
À noter que ni Israël ni les États-Unis ne sont des États parties à la Convention sur le commerce des armes adoptée en 2013, qui compte 113 États parties (voir official status of signatures and ratifications). Parmi les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, seuls les États-Unis et la Russie persistent à ne pas se soumettre aux obligations contenues dans ce traité multilatéral.
La troisième application sud-africaine sera bientôt disponible.
Dans le texte de cette troisième requête adressée au juge de La Haye lui demandant d’ordonner des mesures conservatoires, on peut lire que les actions militaires déployées par Israël doivent être stoppées à tout prix compte tenu du drame inhumain qu’elles provoquent, et compte tenu des différents avertissements de famine imminente que divers experts et agences des Nations Unies ont exprimés.
Pour l’équipe juridique sud-africaine en difficulté, il y a un changement substantiel de circonstances qui devrait obliger le juge international à reconsidérer sans plus attendre certaines des mesures provisoires qu’il a ordonné à Israël de prendre le 26 janvier.
Au début de sa troisième requête, on peut lire que pour l’Afrique du Sud, la réponse à sa deuxième requête par le juge international mérite également un réexamen :
4. On 16 February 2024, the Court determined that the circumstances then prevailing did “not demand the indication of additional provisional measures” pursuant to Article 75(1) of the Rules of Court, on the basis that “the State of Israel remains bound to fully comply with its obligations under the Genocide Convention and with said Order”. However, the Court clarified that the obligations binding on Israel pursuant to the Order included the imperative to ensure “the safety and security of the Palestinians in the Gaza Strip”. The Court further determined that “the most recent developments in the Gaza Strip, and in Rafah in particular, ‘would exponentially increase what is already a humanitarian nightmare with untold regional consequences’, as stated by the United Nations Secretary-General” and that the “perilous situation demands immediate and effective implementation of the provisional measures indicated by the Court in its Order of 26 January 2024.
5. The situation then “perilous” is now so terrifying as to be unspeakable, as described by United Nations humanitarian chiefs, justifying — and indeed demanding — the indication of further provisional measures of protection pursuant to Article 75 of the Rules and modifications of the Court’s prior provisional measures decisions pursuant to Article 76« .
Dans le dernier volet de cette troisième requête sud-africaine, on peut lire que plusieurs déclarations des plus hautes autorités israéliennes sont utilisées par l’équipe juridique de l’Afrique du Sud pour souligner le profond mépris qu’Israël a officiellement manifesté à l’égard de l’ordonnance de la CIJ :
27. The new facts and/or change in situation in Gaza demand additional and/or modified provisional measures. The demand could not be starker, having regard to the magnitude and gravity of the situation facing the Palestinian people in Gaza. Israel has knowingly and deliberately continued to act in defiance of the Order. In addition to causing the death by starvation of Palestinian children in babies, Israel has also continued to kill approximately 4,548 Palestinian men, women and children since 26 January 2024, and to wound a further 7,556, bringing the grim totals to 30,631 killed and 72,043 injured. An unknown number of bodies remain buried under the rubble. 1.7 million Palestinians remain displaced — many of them permanently, Israel having damaged or destroyed approximately 60 per cent of the housing stock in Gaza. Approximately 1.4 million people are squeezed into Rafah — which Israel has stated it intends to attack imminently. Israel’s destruction of the Palestinian healthcare system has also continued apace, with ongoing, repeated attacks on hospitals, healthcare, ambulances and medics. Israel has also continued to conduct widespread attacks on schools, mosques, businesses and entire villages and areas. In sum, Israel has not changed its conduct materially or at all pursuant to the Order – it has instead doubled-down on its genocidal aims and acts.
28. Israel has thus shown contempt for the Court and its Order in what it has done. It has also done so in what it has said: alongside seeking to argue that the Court has not in fact imposed any requirements on Israel’s military operations additional to those by which Israel claimed to already be abiding, senior Israeli officials have poured scorn on the Court and its Order. They have called the Court’s failure to reject South Africa’s claim “a mark of disgrace that will not be erased for generations” (Israeli Prime Minister) and a “blood libel that undermines the very values on which this court was established” (Israeli President); and have asserted that “decisions that endanger the continued existence of the state of Israel should not be obeyed, and we must continue crushing the enemy until absolute victory” (Minister for National Security).
29. Having regard to the clear and deliberate acts, omissions and statements by Israel, South Africa submits that it is necessary to do more than to reiterate that “the State of Israel remains bound to fully comply with its obligations under the Genocide Convention and with the… Order”.
On peut constater que les conseillers juridiques de l’Afrique du Sud tentent de faire croire que la situation justifie des mesures beaucoup plus importantes de la part de la justice internationale face à un Etat qui persiste à défier la justice internationale, en ignorant ce que la CIJ a ordonné depuis le 26 janvier.
Les juges de la CIJ vont délibérer sur cette troisième requête de l’Afrique du Sud et, comme pour la deuxième requête, une réponse est attendue dans les prochains jours, étant donné l’urgence absolue de mettre un terme à l’action insensée d’Israël à Gaza.
Une ordonnance de la CIJ qui attend d’être respectée depuis le 26 janvier.
Le dernier rapport de situation de l’ONU disponible (au 6 mars 2024, voir report) indique que les actions meurtrières incessantes d’Israël se poursuivent avec un nombre injustifiable de morts et de blessés :
Intense Israeli bombardment and ground operations as well as heavy fighting between Israeli forces and Palestinian armed groups continue to be reported across much of the Gaza Strip, resulting in further civilian casualties, displacement, and destruction of houses and other civilian infrastructure. Between the afternoon of 5 March and 10:30 on 6 March, according to the MoH in Gaza, 86 Palestinians were killed, and 113 Palestinians were injured. Between 7 October 2023 and 10:30 on 6 March 2024, at least 30,717 Palestinians were killed in Gaza and 72,156 Palestinians were injured, according to MoH in Gaza.
According to a press release by UN Women on 1 March, an estimated 9,000 women have been reportedly killed by Israeli forces in Gaza to date, not including those believed to be dead under the rubble. “Every day the war in Gaza continues, at the current rate, an average of 63 women will continue to be killed. An estimated 37 mothers are killed every day, leaving their families devastated and their children with diminished protection. Between the afternoons of 5 and 6 March, according to the Israeli military, there were no Israeli soldiers killed in Gaza. As of 6 March, 244 soldiers have been killed and 1,451 soldiers injured in Gaza since the beginning of the ground operation, according to the Israeli military. In addition, over 1,200 Israelis and foreign nationals have been killed in Israel, the vast majority on 7 October.
As of 6 March, the Israeli authorities estimate that 134 Israelis and foreign nationals remain captive in Gaza, including fatalities whose bodies are withheld. On 5 March, a 13-year-old girl who was trapped for 40 hours under the rubble of her destroyed house in Hamad city, west Khan Younis, was rescued and transferred to a field hospital in Rafah. Her entire family was killed.
The Palestine Red Crescent Society (PRCS) and OCHA participated in her evacuation. On 4 March, the bodies of 41 Palestinians reportedly killed in various areas in Khan Younis were recovered from under rubble. On 4 March, a nurse who worked at a primary health clinic supported by Project Hope was killed, along with seven of his relatives, including a child and a pregnant woman, in a strike on their family home in Rafah. In a statement, Project Hope said: “We are outraged and heartbroken by the loss of Mohammed and the countless other innocent humanitarians, health workers, and civilians who have died during this conflict,” warning that their remaining team members in Gaza “are in imminent danger.” Since the onset of hostilities, 364 health workers have been killed, according to the MoH in Gaza.
Ordonnance ignorée : Israël et la permanence de la crise à Gaza
Selon ce qui a été vérifié sur le terrain par plusieurs agences de l’ONU, Israël n’a pas changé ses actions à Gaza depuis l’ordonnance de la CIJ datée du 26 janvier 2024 : il maintient une campagne de bombardements incessants, disproportionnés et indiscriminés sur Gaza, similaires à ceux lancés depuis le 7 octobre dans l’après-midi/la soirée, en violation flagrante des règles les plus élémentaires du droit international humanitaire.
Dans ce cadre, il convient de souligner que, d’un point de vue strictement stratégique et militaire, Israël n’est pas parvenu à atteindre ses objectifs militaires initiaux après cinq mois de bombardements intenses le 7 mars dernier :
- maintenir les otages cachés à Gaza avec leurs responsables ;
- suivre les chefs militaires du Hamas dans la vie en donnant des instructions à leurs combattants, et ;
- maintenir opérationnelle une grande partie de la structure militaire du Hamas, qui tire régulièrement des roquettes sur Israël depuis Gaza.
L’échec de cette opération israélienne à Gaza est latent d’un point de vue militaire, et il est possible que, dès qu’elle sera terminée, les principaux responsables en Israël soient confrontés à des accusations de toutes sortes. D’où l’opinion de nombreux analystes en Israël (et au-delà) selon laquelle cette opération militaire israélienne sera prolongée par l’actuel cabinet de guerre, seul moyen pour lui de survivre politiquement en Israël. Ou que, face à la pression internationale, une fois la confrontation à Gaza terminée, un prétexte quelconque en Israël justifiera une seconde confrontation, que ce soit avec le Liban, la Syrie ou l’Iran : en d’autres termes, tant qu’Israël est en état de guerre, ses autorités actuelles ont une chance de survivre politiquement.
Sur le nombre de morts et de blessés et sur une récente confirmation négligée.
Pour ce qui est du nombre de morts et de blessés dus à l’intensité de l’offensive israélienne à Gaza, un ancien officier militaire français et expert reconnu en matière de bombardements aériens a indiqué dans un billet de blog intitulé « Laissons Netanyahou dévaster la bande de Gaza et Poutine écraser l’Ukraine ? » (voir full post avec un ensemble très détaillé de cartes) que :
« Pour achever la dévastation de la bande Gaza, dont les ¾ ont été effectués en 4 mois de guerre, il ne manque plus à Netanyahou que quelques semaines pour y parvenir, un ou deux mois peut-être. Le bilan sera catastrophique en pertes humaines, l’actuel étant largement sous-estimé puisqu’il n’intègre pas les 8 à 9,000 « disparus » déjà recensés par ce qui reste de l’état-civil de Gaza, auquel il faut rajouter les personnes ensevelies sous les décombres et que personne ne recherche.
Compte tenu de l’intensité et de la durée des bombardements effectués par l’armée israélienne, une fois « l’offensive massive » sur Rafah achevée, les victimes palestiniennes dépasseront les 50,000 morts. Je parle volontairement de « victimes » car pour 80%, ce seront des civils sans rapport avec les miliciens du Hamas. Il faudra encore multiplier par 3 à 4 le nombre de blessés, soit un total supérieur à 200,000 morts et blessés à la fin de cette offensive israélienne ».
Silence à Gaza : des morts et des blessés ignorés par la communauté internationale
Toujours à propos du nombre de morts parmi la population civile palestinienne à Gaza, le fait que ce soit le secrétaire américain à la défense lui-même qui ait déclaré publiquement que 25 000 enfants et femmes sont morts à Gaza, lors d’une apparition le 29 février (voir note du Times of Israel de la même date) vient mettre en échec ceux qui, aux États-Unis et en Israël (mais aussi depuis certaines salles de rédaction influentes dans certaines parties du monde), persistent à mettre en doute le bilan dramatique en vies humaines observé à Gaza depuis l’après-midi / la soirée du 7 octobre 2023.
A moins que ces mêmes personnes ne considèrent aujourd’hui que le Secrétaire américain à la Défense est une personne mal informée par ses services de renseignement et ses conseillers, et que ce sont les informations officielles émanant de l’armée israélienne qui doivent être considérées comme correctes…..
Une autre information circule officiellement en provenance d’Israël et est consignée dans un grand nombre de rapports de presse et d’analystes : le chiffre officiel des autorités militaires israéliennes selon lequel 10 000 combattants du Hamas ont été éliminés. Malgré sa diffusion rapide et son acceptation par plusieurs grands médias comme étant valide, de nombreux doutes subsistent quant à ce chiffre élevé, comme le détaille cet intéressant article de BBC Verify, intitulé « BBC Analysis : Has Israel really killed 10,000 Hamas fighters?« .
Gaza / Israël : Actions devant la justice internationale par d’autres États.
S’agissant des autres États, qui soutiennent les actions de la diplomatie sud-africaine contre Israël, nous avons eu l’occasion dans une précédente note d’expliquer la portée de la demande d’intervention présentée par le Nicaragua le 22 janvier, dont la CIJ a eu connaissance le 8 février 2024 : voir notre note précédente intitulée « Gaza / Israël : sur la récente demande d’intervention du Nicaragua devant la Cour internationale de justice (CIJ) dans le procès de l’Afrique du Sud contre Israël« .
Notons que le Nicaragua a déposé une nouvelle requête auprès de la CIJ, cette fois contre l’Allemagne, accompagnée d’une demande de mesures conservatoires de nature urgente. Cette initiative a été officiellement enregistrée le 1er mars (voir texte officiel de sa requête), le Nicaragua affirmant que les actions et les déclarations officielles de l’Allemagne en faveur d’Israël constituent une violation des obligations que tout État partie à la Convention sur le génocide de 1948 doit respecter, y compris l’obligation de prévenir un nouveau génocide (en particulier s’il s’agit d’un État qui exporte des armes vers Israël).
…
Un mois auparavant, le 1er février 2024, un communiqué officiel du Nicaragua mettait en garde l’Allemagne, le Canada, les Pays-Bas et le Royaume-Uni contre toute action de ce type (voir le texte du communiqué reproduit dans ce lien du média nicaraguayen El19Digital). Dans ce document annexé à la plainte du Nicaragua, vous pouvez lire le contenu détaillé de la lettre initiale du Nicaragua à l’Allemagne (pages 2-9).
Pour l’instant, il semble que ce soit contre l’Allemagne que le Nicaragua ait décidé de concentrer ses actions devant le juge de La Haye. Les raisons exactes de ce choix plutôt que d’autres Etats fournissant des armes à Israël ne sont pas expliquées dans le mémoire.
Le 11 mars, dans un récent communiqué de presse d’EuroNews, on peut lire ce qui suit :
The US and Germany accounted respectively for 69% and 30% of arms imports by Israel, which is currently fighting a deadly war against Hamas in Gaza which killed over 30,000 people, most of whom were civilians.
Le commerce des armes est un domaine spécifique du droit international public, avec des ramifications pour le droit national lorsqu’il y a des risques d’abus, et avec un régime juridique qui implique des responsabilités nationales pour les États exportateurs d’armes, comme cela a été bien analysé dans un document publié en 2021 qui conclut (page 53) :
Legal challenges are gradually becoming a pragmatic response in the face of apparently unlawful decisions by arms exporting states. Governments should recognise this shift and the possibility that their decisions on arms exports will increasingly be subject to legal challenges before domestic courts. Their decisions must be able to withstand judicial oversight and must conform with obligations under both international and domestic law
(Note 2).
Dans sa requête adressée à la CIJ (voir text), elle lit au paragraphe 53 que :
By the end of 2023, the German Government had granted military exports to Israel in the amount of 326,505,156 euros. On January 2024, German media reported that Israel had made a request for tank shells, especifically 10,000 120-millimeter Rheinmetall precision rounds. Der Spiegel reported that Germany had agreed to deliver the request from its own stocks in order to be able to comply with the “urgency”. According to information made available by the German Government, export licences granted between January 2024 and 15 February 2024 concerned military equipment worth 9,003,676 euros.
Dans la dernière partie de son petition, dans laquelle il demande à la CIJ d’ordonner des mesures provisoires urgentes contre l’Allemagne, on peut lire que le Nicaragua demande plusieurs points aux juges de la CIJ, à savoir (paragraphe 101) :
« …, Nicaragua respectfully requests the Court, as a matter of extreme urgency, pending the Court’s determination of this case on the merits, to indicate the following provisional measures with respect to Germany in its participation in the ongoing plausible genocide and serious breaches of international humanitarian law and other peremptory norms of general international law occurring in the Gaza Strip:
(1) Germany shall immediately suspend its aid to Israel, in particular its military assistance including military equipment, in sor far as this aid may be used in the violation of the Genocide Convention, international humanitarian law or other peremptory norms of general international law such as the Palestinian People’s right to self-determination and to not be subject to a regime of apartheid;
(2) Germany must immediately make every effort to ensure that weapons already delivered to Israel are not used to commit genocide, contribute to acts of genocide or are used in such a way as to violate international humanitarian law;
(3) Germany must immediately do everything possible to comply with its obligations under humanitarian law;
(4) Germany must reverse its decision to suspend the funding of UNRWA as part of the compliance of its obligations to prevent genocide and acts of genocide and the violation of the humanitarian rights of the Palestinian People which also includes the obligation to do everything possible to ensure that humanitarian aid reaches the Palestinian people, more particularly in Gaza;
(5) Germany must cooperate to bring to an end the serious breaches of peremptory norms of international law by ceasing its support, including its supply of military equipement to Israel that may be used to commit serious crimes of international law and that it continue the support of the UNRWA on which this Organizations has counted and based its activities« .
L’Allemagne n’étant pas le seul fournisseur d’armes ou de composants électroniques à des fins militaires d’Israël, la pétition du Nicaragua devrait intéresser de nombreux autres États parties à la Convention sur le génocide de 1948 ; et, incidemment, elle devrait également susciter des interrogations (en Allemagne) parmi les groupes d’organisations sociales qui, sauf erreur, n’ont pas activé les mécanismes juridiques prévus lorsque des armes allemandes sont exportées vers des destinations où leur utilisation abusive contre des populations civiles sans défense est évidente (Note 3).
D’un point de vue juridique, l’Allemagne est un État partie à la Convention sur le commerce des armes de 2013 (voir texte complet), dont l’article 6(3) est libellé comme suit :
« 3. Un État partie n’autorise aucun transfert d’armes classiques couvertes par l’article 2, paragraphe 1, ou d’articles couverts par l’article 3 ou l’article 4, s’il sait, au moment de l’autorisation, que les armes ou articles pourraient être utilisés pour commettre un génocide, des crimes contre l’humanité, des infractions graves aux Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des biens civils ou des civils protégés, ou d’autres crimes de guerre tels que définis dans les accords internationaux auxquels il est partie » (italiques ajoutés).
La réclamation de l’Afrique du Sud qui a conduit à l’ordonnance de la CIJ du 26 janvier : un appel fort à l’action.
Le texte de la première action sud-africaine déposée en tant que telle le 29 décembre 2023, dont la lecture est recommandée (et en particulier le détail des déclarations officielles glaçantes des plus hautes autorités israéliennes aux paragraphes 101-107), est disponible dans son intégralité en Français et Anglais.
Dans les premières réflexions du professeur Yussef Al Tamimi, l’auteur a précisé dans ses conclusions l’urgence qui attend les Etats face au défi lancé par Israël à la communauté internationale, qui ne semble pas vouloir se conformer à l’ordonnance de la CIJ du 26 janvier 2024 :
Since the ICJ handed down its provisional measures Order on 26 January, Israeli forces have reportedly killed hundreds of Palestinians as per UNOCHA’s daily briefings, civilians waiting to receive humanitarian aid were shot and injured, hospital staff have been killed, and government ministers called for the displacement of Palestinians from Gaza at a far-right conference. These events underscore the real and imminent risk of irreparable damage facing rights plausibly protected under the Genocide Convention. At a time when the credibility of international law hangs in the balance, the ICJ demonstrated the enduring relevance of its guidance by issuing a firm ruling in front of an expectant legal and non-legal community. States are now called upon to ensure, beyond assurances and words, that they are ready to take action to ensure compliance
(Note 4)
Un « risque plausible de génocide à Gaza, confirmé par la CIJ le 26 janvier 2024, et un État qui, depuis lors, continue de défier la justice internationale par ses actions insensées à Gaza, interpellent tous les membres de la communauté internationale, tant au niveau national qu’international.
Par exemple, au niveau national, le tribunal national néerlandais a informé les autorités israéliennes le 12 février d’un jugement ordonnant l’arrêt immédiat de l’exportation de composants d’avions de combat F-35 des Pays-Bas vers Israël (voir le reportage de la BBC du 12 février). Par ailleurs, le 29 février, c’est la Colombie qui a annoncé la suspension de tous ses achats militaires à Israël (voir communiqué de presse du Los Angeles Times).
Dans un autre domaine, le Chili a décidé d’exclure les entreprises d’Israël de sa Foire internationale de l’air et de l’espace (FIDAE) qui se tiendra cette année en 2024 (voir note de DW) : faisant l’objet d’une action en justice, les tribunaux chiliens ont immédiatement rejeté les arguments relatifs à un prétendu « droit » de ces entreprises israéliennes à participer à de tels événements (voir note d’El Ciudadano du 8 mars). Les déclarations intempestives de l’ambassadeur d’Israël au Chili (voir note) conduiront probablement le Chili à le déclarer « non grato » dans les prochains jours.
Au Canada, un groupe d’organisations de la société civile demande une décision de justice pour obliger l’exécutif canadien à suspendre les livraisons d’armes à Israël (voir communiqué commun du 5 mars) : le Canada, comme l’Allemagne, est un État partie à la Convention sur le commerce des armes de 2013, dont l’article 6.3 lie juridiquement les autorités canadiennes.
Concernant une autre instance internationale basée à La Haye, la Cour pénale internationale (CPI), dans une autre note précédente, intitulée « Gaza / Israël : à propos de l’annonce de la saisine conjointe du Mexique et du Chili devant la Cour pénale internationale (CPI) » nous avons pu analyser la portée de la saisine conjointe effectuée par Chile et MéMexique face au drame qui se joue à Gaza.
Toujours en ce qui concerne la CPI, une action en justice menée par des avocats en Australie contre ses autorités actuelles est d’un grand intérêt, étant donné l’inaction observée de leur part par rapport à ce qui se passe à Gaza, et renvoyée à la CPI de La Haye ces jours-ci (voir note de The Conversation du 5 mars 2024) : l’originalité de cette action témoigne du sentiment de profonde frustration de divers secteurs en Australie face à la passivité absolue de leurs autorités face aux actions d’Israël à Gaza et aux déclarations de soutien à Israël entendues en Australie de la part de responsables politiques. Pour en savoir plus sur le document que l’Australie a soumis au bureau du procureur de la CPI, cliquez ici.
Le 11 mars, The Guardian a rapporté le recrutement par le Bureau du Procureur de la CPI d’un juriste britannique pour soutenir l’enquête sur Gaza (voir communiqué de presse).
Des régions du monde (et non plus des Etats) qui pourraient également agir.
À noter la récente initiative conjointe de l’Espagne et de l’Irlande au sein de l’Union européenneouUnion européenne (UE) concernant le régime de sanctions prévu par les différents règlements européens, lorsqu’un État ayant un accord d’association avec l’UE viole de manière flagrante et massive les droits de l’homme (voir note du The Guardian du 15 février 2024).
Pour ce qui est de l’Amérique latine, il convient de noter ce qui s’est passé récemment lors d’une réunion de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (mieux connue sous le nom de CELAC), au cours de laquelle ni l’Argentine, ni le Costa Rica, ni l’Équateur, ni le Salvador, pas plus que le Guatemala, le Panamaá, le Paraguay, le Pérouú, ou l’Uruguay ne semblent avoir signé une déclaration commune condamnant avec véhémence l’action insensée d’Israël à Gaza (Note 5).
Toujours dans l’hémisphère américain, depuis le 7 octobre 2023, l’Organisation des Etats américains (OEA) garde un profond silence sur les victimes palestiniennes de Gaza. Comme le silence de certaines autres organisations internationales intergouvernementales régionales ou sous-régionales, il soulève des questions très valables. Dans le cas spécifique de l’OEA, il faut remonter à juillet 2014 (Note 6) pour lire un communiqué dans lequel l’ancien secrétaire général, le Chilien José Miguel Insulza, fait référence à ce qui se passe à Gaza (voir communiqué de presse du 17 juillet 2014), expliquant que :
En réalité, le bilan final de l’opération militaire à Gaza qui a débuté en juillet 2014 et s’est achevée le 26 août 2014 est bien plus lourd : après l’offensive militaire à Gaza (70 morts du côté israélien, dont 67 soldats et 3 civils israéliens), 2 251 personnes ont été recensées mortes du côté palestinien, dont 551 enfants (voir link pour le rapport d’une commission d’enquête des Nations unies et son summary). Nous invitons nos chers lecteurs à prendre connaissance de ces chiffres et à établir un ratio macabre de victimes palestiniennes pour chaque vie perdue par un civil israélien afin de mieux comprendre la logique qui est à nouveau observée depuis la soirée/nuit du 7 octobre 2023 par les plus hautes autorités israéliennes.
Gaza / Israël : D’après certains rapports et données négligés dans certains grands médias internationaux.
En matière d’exportation d’armes vers Israël, le 23 février 2024, un large groupe d’experts et de mécanismes des droits de l’homme des Nations unies a appelé à l’arrêt immédiat des exportations d’armes vers Israël. A ce sujet, voir le texte intégral du communiqué officiel, dont la lecture intégrale est recommandée) et dans lequel on peut lire que :
The need for an arms embargo on Israel is heightened by the International Court of Justice’s ruling on 26 January 2024 that there is a plausible risk of genocide in Gaza and the continuing serious harm to civilians since then”, the experts said. The Genocide Convention of 1948 requires States parties to employ all means reasonably available to them to prevent genocide in another state as far as possible. “This necessitates halting arms exports in the present circumstances”, the experts said.
En lisant la citation ci-dessus, il est possible que nos estimés lecteurs découvrent l’existence de ce texte collectif signé par un grand nombre de rapporteurs spéciaux et d’experts indépendants de l’ONU. Les grands médias internationaux ont à peine rapporté, et encore moins référencé, l’important appel collectif lancé depuis le siège des Nations unies en Europe, exigeant l’arrêt de l’action militaire d’Israël à Gaza, comme c’est devenu la coutume depuis l’après-midi/soirée du 7 octobre dernier. Il n’y a donc pas lieu de s’en étonner.
Rapport caché : Silence des médias sur la demande de l’ONU d’un embargo sur les armes à destination d’Israël
D’autres rapports récents totalement passés sous silence dans les médias concernant le manque de respect d’Israël pour la justice internationale à La Haye sont les suivants :
- le rapport de Human Rights Watch (HRW), détaillant le niveau de mépris d’Israël pour l’ordonnance de la CIJ datée du 26 février 2024 et disponible sur ce link ;
- le rapport de l’ONG Commission internationale de juristes (CIJ), publié à la même date et qui va dans le même sens que le précédent (disponible sur ce link) ;
- un rapport très similaire de l’ONG Amnesty International, publié à la même date (disponible sur ce link) et dans lequel on peut lire que :
système d’apartheid à l’encontre de la population palestinienne, ce qui constitue un crime contre l’humanité.
Le manque de diffusion de ces rapports dans les médias internationaux est plus que notoire, en particulier dans certains d’entre eux, qui sont généralement très attentifs aux communiqués émis par HRW, la CIJ ou une ONG ayant le prestige et la trajectoire d’Amnesty International.
Un drame inhumain auquel Israël soumet la population civile de Gaza.
Le Conseil de sécurité s’est réuni le 27 février pour écouter divers experts et agences de l’ONU, alertant les membres du Conseil sur la nécessité d’ordonner d’urgence une cessation des hostilités à Gaza sans prélude, compte tenu de la famine imminente qui menace l’ensemble de la population (voir communiqué officiel de l’ONU).
Dans l’une des interventions, l’un des chefs d’une agence des Nations unies a indiqué (voir texte complet de son intervention devant le Conseil de sécurité) que :
Hunger and the risk of famine are exacerbated by factors that go beyond just the availability of food. Inadequate water, sanitation, and health services creates a cycle of vulnerability, where malnourished people – especially among the tens of thousands of people who are injured – become more susceptible to disease that further depletes the body’s nutritional reserves.
A steep rise in malnutrition among children and pregnant and breastfeeding women in the Gaza strip is a particularly grave concern. And add chronic overcrowding, exposure to the cold and an absence of adequate shelter to this lack of nutrition, and you have created the conditions for massive disease epidemics« .
Nous avons eu l’occasion d’analyser la portée du veto américain du 20 février à un projet de résolution ordonnant un cessez-le-feu pour des raisons humanitaires présenté par l’Algérie. Le projet de résolution a obtenu 13 voix pour, une abstention (Royaume-Uni) et les Etats-Unis ont voté contre (veto) : voir notre note intitulée « Gaza / Israël : sur l’indéfendable veto des Etats-Unis au Conseil de sécurité« .
Une diplomatie sud-africaine très active.
Le 1er mars 2024, en plein désaveu général des actions d’Israël par les autres États (voir communiqué de presse du Le Figaro), la diplomatie sud-africaine est une nouvelle fois l’une des premières à élever la voix face à un nouveau drame survenu le 29 février, lors d’une livraison de camions d’aide humanitaire dont les bénéficiaires ont été tués par des soldats israéliens.
À cet égard, voir le communiqué de presse officiel du ministère sud-africain des affaires étrangères, qui indique que :
This attack comes just days after Israel submitted a report to the International Court of Justice (ICJ) and to which South Africa is preparing a response to. This latest atrocity is another breach of international law and in breach of the binding provisional orders of the ICJ. Legal remedies are one route to end institutionalised impunity that Israel has enjoyed for decades, which has emboldened them to act in the manner they have been doing on Thursday, 29 February 2024, and for decades before that.
En Amérique latine, le Chili a également condamné très tôt ce qui s’est passé à Gaza le 29 février lors de l’acheminement de l’aide humanitaire (voir communiqué de presse officiel), tout comme le Brésil (voir communiqué de presse officiel) et la Colombie (voir communiqué de presse officiel).
Silence à Gaza
On propose à nos chers lecteurs de découvrir ce que leur État respectif a officiellement communiqué face à ce massacre véritablement injustifiable de civils par Israël, observé par le monde entier le 29 février. Et si leur appareil diplomatique respectif n’a rien communiqué, alors qu’est-ce qui pourrait les empêcher de s’exprimer sur la question, en ayant accès aux mêmes images et témoignages qui ont circulé dans le monde entier : un rapport publié en Israël sur la base de témoignages de survivants dans le Magazine+972, intitulé « Survivors of Gaza aid convoy massacre describes ‘indiscriminate’ Israeli fire » (voir texte complet) détaille ce qui est arrivé ce funeste 29 février à Gaza à 115 civils.
En ce début d’année 2024, un État comme l’Afrique du Sud se distingue aux yeux du monde par son inlassable bataille juridique devant la justice internationale pour mettre fin à l’absurdité de la machine militaire israélienne à Gaza. Alors que l’Afrique du Sud a renforcé son prestige et son image comme rarement auparavant, Israël est totalement discrédité et ses alliés sont de plus en plus mal à l’aise.
En guise de conclusion.
En ce qui concerne les mesures conservatoires ordonnées par la CIJ et ensuite ignorées par un État, nous avons eu l’occasion d’observer en 2022 le non-respect des mesures conservatoires ordonnées à l’encontre de la Russie par la CIJ en mars 2022, demandées par l’Ukraine (voir l’ordonnance du 16 mars 2022). Pour rappel, la Russie a choisi en mars 2022 de ne pas se présenter devant les juges de La Haye, pour des raisons inconnues (Note 7).
L’ensemble des sanctions prises à l’encontre de la Russie et renforcées par le non-respect par la Russie de la décision du juge international à partir de mars 2022, interpelle aujourd’hui de nombreux décideurs en Europe, aux États-Unis et au Canada sur le mépris total d’Israël pour l’ordonnance de la CIJ lue le 26 janvier 2024. Ces décideurs font preuve d’une incohérence palpable qui menace leur crédibilité future dans les actions entreprises pour défendre les règles de l’ordre juridique international.
En dernier lieu, il convient de noter qu’Israël s’est prêté à une guerre de l’information, avec par exemple des bébés décapités qui n’ont jamais laissé de traces écrites (voir note de Los Angeles Press) ou un prétendu centre de commandement principal du Hamas sous l’hôpital Al Shifa à Gaza qui n’a jamais été trouvé : ce ne sont là que quelques-unes des nombreuses « preuves irréfutables » qui se sont évaporées comme de l’air, et sur lesquelles Israël a tenté de construire un discours pour justifier ses actions.
Conclusion
A côté de l’Afrique du Sud, de nombreux autres Etats devraient être en mesure de relever le défi de la justice internationale et de défendre les principes fondamentaux du droit international humanitaire face à l’action militaire insensée d’Israël à Gaza. Cependant, beaucoup restent englués dans une passivité et une inaction frappantes : en particulier les États d’Europe, de la péninsule arabique et ceux situés au nord du continent américain, dont on attendrait une plus grande cohérence avec leurs positions en matière de défense de la justice internationale et des règles de l’ordre juridique international.
Dans ce contexte, il convient de noter que l’appareil d’État israélien n’a pas été en mesure d’apporter des réponses convaincantes aux actions en justice intentées par l’Afrique du Sud : Le simple fait que l’ordonnance de la CIJ rendue le 26 janvier ait été adoptée avec 16 voix pour et un seul juge contre, ou dans certaines parties de l’ordonnance, avec 15 voix pour et 2 voix contre (voir les détails au paragraphe 86 de l’ordre de la CIJ du 26 janvier) montre la faiblesse de la défense juridique d’Israël devant les juges de La Haye.
Face à la force de la pétition rédigée par la diplomatie sud-africaine, Israël n’a eu d’autre choix que de lancer des jurons, des menaces et d’autres réactions de colère de divers milieux qui ne font plus guère d’effet.
À cet égard, il convient de noter que la chef de la diplomatie sud-africaine a clairement indiqué qu’elle recevait des menaces voilées sur les médias sociaux, visant sans détour les services de renseignement israéliens. Dans ce communiqué de presse publié le 8 février, on peut lire que :
I felt that [it would] be better if we had extra security. But what I’m more concerned about is my family, because in some of the social media messages my children are mentioned and so on, but this is par for the course. The Israeli agents, the intelligence services, [this] is how they behave, and they seek to intimidate you, so we must not be intimidated. There is a cause that is under way.
Notes
Note 1 : Voir à cet égard notre note BOEGLIN N., « Gaza / Israël : sur les manœuvres américaines et la récente résolution S/RES/2720(2023) du Conseil de sécurité de l’ONU », Blog derechointernacionalcr, édition du 22 décembre 2023. Texte disponible ici.
Note 2 : Voir ATT Expert Group, Domestic accountability for international arms transfers : Law, policy and practice, Saferworld, 2021, 54 pages. Texte disponible en cliquant sur « donwload » ici. Voir aussi à propos de la réglementation régionale de l’Union européenne en la matière MERLIN J.-B., « Les contentieux nationaux relatifs à la vente interétatique d’armes« , Vol. 65 Annuaire Français de Droit International, Année (2019) pp.71-103. Texte intégral de cet article disponible ici.
Note 3 : En octobre 2018, l’Allemagne a suspendu ses exportations d’armes vers l’Arabie saoudite en raison de la répression exercée par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite contre les civils yéménites au Yémen et du meurtre d’un journaliste saoudien au consulat saoudien en Turquie (voir la note de DW). En juin 2020, l’Espagne a suspendu l’envoi de 600 000 cartouches au Nicaragua en raison de la répression disproportionnée exercée par les autorités policières nicaraguayennes contre les manifestants (voir note de Mesa Redonda).
Note 4 : AL TAMIMI Y., « Implications de l’ordonnance de la CIJ (Afrique du Sud c. Israël) pour les États tiers« , EJIL Talk, edición del 6 de febrero del 2024. Texte complet ici.
Note 5 : La déclaration de la CELAC sur Israël et Gaza du 2 mars intitulée « Déclaration sur les actions israéliennes à Jérusalem-Est occupée et dans le reste du territoire palestinien occupé » est disponible sur ce officiel du Palais Itamaraty, siège du ministère brésilien des Affaires étrangères.
notes
Note 6 : Concernant les réactions officielles en Amérique latine à la dramatique offensive israélienne à Gaza en 2014, voir un article que nous avons publié en Uruguay en 2015, BOEGLIN N. , « Un an après le début de l’opération Bordure protectrice : brèves notes du point de vue du droit international« , Estudios del CURI (Centro Uruguayo de Relaciones Internacionales), n° 7/2015, p. 14. Texte intégral disponible ici.
Note 7 : En ce qui concerne cette non comparution inhabituelle de la Russie devant les juges de la CIJ, nous renvoyons nos estimés lecteurs à nos brèves réflexions : BOEGLIN N. La fuerza del derecho ante el derecho a la fuerza (el caso de Ucrania y Rusia)A propósito de la no comparecencia de Rusia ante la Corte Internacional de Justicia (CIJ)« , Portal de la Universidad de Costa Rica (UCR), 23 mars 2022. Texte disponible ici.
Nicolas Boeglin, professeur de droit international public.
Faculté de droit, Université du Costa Rica (UCR).
Contact : [email protected]..
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