Gandoca / Manzanillo : Les obligations légales du Costa Rica dans le cadre de la Convention de Ramsar
Gandoca / Manzanillo:les obligations légales que la Convention de Ramsar implique pour le Costa Rica
Alors que l’abattage d’arbres dans la région de Gandoca Manzanillo, au sud des Caraïbes du Costa Rica, fait l’objet d’une controverse soutenue, causée en grande partie par l’attitude bizarre des autorités chargées de la protection de l’environnement, un rapport récent indique que ces mêmes autorités costariciennes ont proposé de revoir à la baisse l’étendue de la réserve naturelle de Gandoca Manzanillo, inscrite sur la liste des sites Ramsar (voir nota de prensa publié dans le média numérique Delfino.cr le 10 septembre 2024).
Pour cette autre note du Semanario Universidad, publiée à la même date, il est noté qu’un fonctionnaire avait prévenu depuis le mois d’août de la tentative de modification des limites de ce site Ramsar (voir note), avant d’être…. « relocated ». Déplacé » ? comment cela ? Comme on peut le lire.
La note susmentionnée reproduit un ensemble précieux de cartes montrant le changement identifié et la réduction conséquente par rapport à la carte affichée par le Secrétariat de la Convention de Ramsar.
Les premières images d’arbres abattus dans la région publiées dans la presse costaricienne remontent au 15 mai 2024 (voir note dans CRHoy).
Bref historique
Fin 2023, la Cour constitutionnelle a condamné l’État costaricien pour non-respect des obligations internationales du Costa Rica dans les Caraïbes méridionales du Costa Rica, à cette occasion en matière de consultation des populations indigènes (voir note du Semanario Universidad). En effet, en annulant l’audience organisée en août 2023 par la municipalité de Talamanca pour l’approbation du Plan de régulation côtière, la Chambre constitutionnelle a jugé (voir vote31756 – 2023 du 7 décembre 2023) que :
l’exclusion de la consultation de l’association demanderesse est injustifiable dans le cadre des obligations internationales acquises par notre payss dans cette affaire.
Une lecture complète du jugement montre que l’organe municipal n’a pas été le seul à promouvoir un traitement « express » du Plan de régulation côtière du canton de Talamanca. Comme il est devenu habituel avec SETENA (Secretaría Técnica Nacional del Ambiente) dans le cas de projets controversés, le choix de la deuxième moitié de décembre/début janvier pour traiter son approbation est à nouveau vérifié (Note 1), car nous lisons dans ce même jugement que :
Le 19 décembre 2022, le formulaire d’examen technique FR-DT-EAE0055-2022 a été émis, où il a été conclu d’émettre l’avis technique INF-TEC-DT-EAE-0013- 2022 de la même date (19 décembre 2022), recommandant à la Commission plénière de SETENA, l’octroi de la faisabilité environnementale pour le plan réglementaire proposé pour la zone maritime-terrestre du district de Cahuita dans le canton de Talamanca, province de Limón. 4) Attribution de la viabilité environnementale : Le 11 janvier 2023, par la résolution nº 025-2023-SETENA a accordé la viabilité environnementale (licence) pour l’incorporation de la variable environnementale au projet de plan de réglementation de la zone maritime-terrestre du district de Cahuita dans le canton de Talamanca, province de Limón.
En janvier 2024, des organisations sociales ont dénoncé publiquement le non-respect de la décision du juge constitutionnel par l’organe municipal de décembre 2023 (voir note de ElMundo.cr du 16 janvier 2024).
Seulement un mois plus tard, en février 2024, la Chambre constitutionnelle ordonne aux autorités de respecter la réglementation qui protège les zones humides du canton de Talamanca, et de procéder à la mise à jour de leur caractérisation avant d’approuver tout projet de régulation territoriale tel qu’un Plan de régulation du littoral (voir le vote 03959 -2024 du 16 février 2024). En ce qui concerne les études techniques de 2021 et 2017, le juge constitutionnel souligne que :
C’est-à-dire qu’il n’indique pas à la Chambre quel est l’état actuel des zones humides dans le canton de Talamanca, ni n’offre aucune raison pour laquelle les études qui ont justifié la décision de 2017 sont techniquement supérieures au matériel de 2021. Ou, à l’inverse, elle n’explique pas pourquoi l’étude de 2021 ne correspond pas à la réalité ou aux critères techniques de protection du patrimoine naturel de l’État. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal considère qu’en application du principe de précaution, étant donné que le présent recours concerne des biens importants pour l’environnement, qui constituent le patrimoine naturel de l’État, en particulier les zones humides de la zone maritime-terrestre du littoral du canton de Talamanca, le recours doit être déclaré recevable, avec les conséquences énoncées dans le dispositif du présent arrêt.
A noter qu’en mars 2017, une Politique nationale pour les zones humides a été officialisée au Costa Rica : voir Décret exécutif 40244 du 6 mars 2017 dont les considérants réaffirment l’importance des zones humides au Costa Rica et leur nécessaire protection, en affirmant, parmi de nombreux autres aspects, que :
Cette publication de l’Université nationale de 2018, intitulée « Wetlands of Costa Rica : fragile ecosystems under threat » (Revista Ambientico) rassemble plusieurs études de grand intérêt qui restent d’une actualité pressante et préoccupante en 2024.
La pression extrême exercée sur les autorités municipales et nationales pour qu’elles approuvent un plan de réglementation côtière, sans tenir compte des consultations et des études techniques requises par la loi, semble ne pas être totalement étrangère à ce qui se passe actuellement à Gandoca Manzanillo.
La Convention de Ramsar en quelques mots
Comme chacun sait, le Costa Rica est un État partie depuis 1992 à la « Convention sur les zones humides d’importance internationale particulièrement comme habitats des oiseaux d’eau », plus connue sous le nom de Convention de Ramsar : le nom de Ramsar vient d’une ville d’Iran – orthographiée رامسر en persan – où la convention a été adoptée en 1971. Nous renvoyons nos chers lecteurs au texte de cette convention et au statut officiel des signatures et ratifications (avec 168 États parties au moment de la rédaction du présent document). En 1999, la septième conférence des États parties (mieux connue sous l’acronyme « COP) s’est tenue au Costa Rica (voir actes de cette réunion).
article 2 du présent instrument international
Les limites de chaque zone humide sont décrites avec précision et également délimitées sur une carte ; elles peuvent comprendre les zones riveraines ou côtières adjacentes, ainsi que les îles ou les étendues d’eau marine d’une profondeur supérieure à six mètres à marée basse, lorsqu’elles se trouvent à l’intérieur de la zone humide, et en particulier lorsqu’elles sont importantes en tant qu’habitat des oiseaux d’eau.
2. Le choix des zones humides à inscrire sur la Liste devrait être fondé sur leur importance internationale du point de vue écologique, botanique, zoologique, limnologique ou hydrologique. Les zones humides qui ont une importance internationale pour les oiseaux d’eau à n’importe quelle saison devraient être incluses en premier lieu.
Selon les informations officielles du Secrétariat Ramsar, le Gandoca Manzanillo Wildlife Refuge a été enregistré par le Costa Rica comme site Ramsar en 1995 (voir link).
La possibilité de modifier les limites d’un site Ramsar
Une fois qu’une zone humide a été inscrite sur la liste des sites Ramsar par un État, celui-ci peut-il modifier les limites de cette zone humide afin d’en réduire l’étendue ? L’article 4 de la Convention de Ramsar stipule clairement que :
.
Sauf erreur de notre part, il n’existe pas aujourd’hui au Costa Rica de raison d’urgence ou de force majeure qui justifierait la réduction des limites d’une zone humide inscrite sur la liste des sites Ramsar depuis 1995, comme le site de Gandoca Manzanillo.
L’article 4 prévoit également, comme c’est le cas dans plusieurs conventions sur les aires protégées, une compensation pour la réduction des limites d’une zone humide Ramsar. Les autorités n’ont pas non plus mentionné de mesures de compensation de quelque nature que ce soit dans la région de Gandoca Manzanillo.
Une enquête a été menée sur certains sites spécialisés pour savoir s’il existait un précédent de demande de réduction de la superficie d’un site Ramsar par un État, mais aucune réponse n’a été obtenue jusqu’à présent. Au niveau international, il y a quelques mois, une controverse a eu lieu en Inde avec une tentative, cette fois, de retirer la zone humide de Bhoj, inscrite sur la liste Ramsar depuis 2002 (voir fiche technique). La demande immédiatement formulée par le Secrétariat de la Convention de Ramsar de vérifier les raisons exactes invoquées et les mesures de compensation envisagées (voir note de juillet 2024 du Times of India) a conduit, quelques jours plus tard, les autorités à nier toute intention de retirer cette zone humide de la liste Ramsar (voir note du The New Indian Express du 5 août).
En 2002, la 8e Conférence des États parties à la Convention de Ramsar, en Espagne, a adopté une résolution visant à fournir des orientations aux États qui souhaitent soit retirer une zone humide de la Liste de Ramsar, soit en modifier les limites, et à prévoir une procédure à cet égard (voir text de la Résolution VIII.20 L’Espagne a adopté une résolution intitulée « Orientations générales pour l’interprétation de l’expression “intérêts nationaux urgents” dans l’Article 2.5 de la Convention et pour l’examen de la compensation au titre de l’Article 4.2 »).
Si les juridictions nationales costariciennes ont sommé les autorités environnementales de se conformer à ce qui leur a été ordonné depuis 2019 à Gandoca Manzanillo (voir communiqué de presse d’Elmundo.cr sur l’arrêt de la Chambre constitutionnelle pour désobéissance), cela ne peut en aucun cas s’apparenter à une situation d’exception quelle qu’elle soit.
La tentative de réduire les limites de la zone humide de Gandoca Manzanillo semble répondre à une initiative pleine d’esprit des autorités actuelles, l’une des nombreuses dans la controverse générée par leurs actions étranges depuis l’abattage des arbres dans cette partie du sud des Caraïbes du Costa Rica : le « affaire » Gandoca Manzanillo promet de faire les gros titres de la presse costaricienne pendant longtemps en 2024.
Dommages causés à un site Ramsar au Costa Rica : un précédent pas si lointain
La volonté des autorités costariciennes actuelles de limiter la portée de leurs obligations au titre de la convention de Ramsar est plus que surprenante.
D’autant plus si l’on se souvient que le Costa Rica a notoirement insisté sur l’extrême fragilité des sites Ramsar devant la Cour internationale de justice (CIJ) à l’occasion de l’incursion illégale du Nicaragua en 2010 sur l’île de Portillos, située dans le Refuge des Caraïbes du Nord-Est (également un site Ramsar inscrit en tant que tel par le Costa Rica, voir link et la carte du site).
A cet égard, une révision des plaidoiries du Costa Rica devant la justice internationale sur l’importance des sites Ramsar pour le Costa Rica mériterait une lecture (et si nécessaire, … une relecture) urgente de la part des autorités costariciennes actuelles. En janvier 2011, une mission de la Convention de Ramsar est venue détailler les différentes caractéristiques du Northeast Caribbean Wildlife Refuge (voirmission report du 3 janvier 2011).
Gandoca / Manzanillo : les obligations légales découlant de la Convention de Ramsar
Rappelons que le Costa Rica, en raison de ses caractéristiques propres et de la valeur de la possession d’un site Ramsar, a quantifié en 2010 devant les juges de la CIJ le montant des dommages environnementaux causés par le Nicaragua dans cette partie extrême du territoire costaricien à 6,7 millions de dollars : ce montant a été obtenu à partir d’une méthodologie parfaitement applicable aux autres sites Ramsar du Costa Rica. La décision de la CIJ sur le montant de l’indemnisation des dommages environnementaux entre le Costa Rica et le Nicaragua en février 2018 (voir texte) précise que :
45. In the present case, the methodology that Costa Rica considers most appropriate, which it terms the “ecosystem services approach” (or “environmental services framework”), follows the recommendations of an expert report commissioned from Fundación Neotrópica, a Costa Rican non-governmental organization. Costa Rica claims that the valuation of environmental damage pursuant to an ecosystem services approach is well recognized internationally, up-to-date, and is also appropriate for the wetland protected under the Ramsar Convention that Nicaragua has harmed. .. /.. 45. Le Costa Rica estime que la méthode la plus appropriée en la présente affaire est celle qu’il appelle la «méthode des services écosystémiques» (ou «cadre d’évaluation des services environnementaux»), qui suit les recommandations d’un rapport d’experts établi à la demande du Costa Rica par la Fundación Neotrópica, une organisation non gouvernementale costa-ricienne. Il soutient que cette méthode d’évaluation des dommages environnementaux est largement reconnue sur le plan international, qu’elle est moderne et aussi adaptée à la zone humide dont la convention de Ramsar impose la protection et à laquelle le Nicaragua a porté atteinte.
La méthodologie des services écosystémiques utilisée par le Costa Rica n’a pas été validée par la CIJ, qui a condamné le Nicaragua à ne payer que 378 000 USD au lieu des 6,7 millions USD demandés par le Costa Rica (voir le paragraphe 157 de la décision de la CIJ) : il s’agit d’une grave lacune de l’équipe juridique en charge de la défense du Costa Rica devant les juges de La Haye par rapport à celle du Nicaragua, qui a été très peu analysée.
Une méthodologie pour quantifier les dommages environnementaux dans les sites Ramsar et au-delà
Cependant, cette méthodologie officialisée par le Costa Rica devant la CIJ comme étant valide et internationalement reconnue, devrait être applicable à d’autres cas dans lesquels une évaluation des dommages environnementaux doit être effectuée sur le territoire costaricien.
Et plus encore, lorsqu’il s’agit d’une zone humide d’importance mondiale inscrite comme site Ramsar : c’est précisément ce que l’on peut vérifier dans cette publication officielle costaricienne réalisée par le même SINAC (Système national des aires de conservation) en 2017 et intitulée « Évaluation des services écosystémiques fournis par sept des zones humides protégées d’importance internationale au Costa Rica : Palo Verde, Caribe Noreste, Caño Negro, Gandoca Manzanillo, Maquenque, Térraba Sierpe et Las Baulas« (voir texte).
En 2019, un rapport technique sur l’extension de certains sites Ramsar a été publié, sous l’égide de deux agences des Nations Unies (PNUD et FEM), sous le titre « Supporting Technical Report on the extension of the boundaries of Ramsar sites : Caño Negro National Wildlife Refuge, Northeast Caribbean Wetland and Térraba Sierpe Wetland » (voir text).
Dans une note que nous avons eu l’occasion de rédiger lors de l’annonce de la décision de la CIJ entre le Costa Rica et le Nicaragua (Note 2), nous avons suggéré que la décision de la CIJ soit prise en compte :
Le Costa Rica ayant officialisé cette méthodologie pour quantifier très précisément (et exhaustivement) les dommages environnementaux causés par le Nicaragua sur l’île de Portillos devant les juges de la CIJ, la question se pose de savoir si cette même méthodologie ne devrait pas désormais être appliquée de la même manière à la destruction de zones humides d’importance internationale, d’écosystèmes et de forêts qui a lieu au Costa Rica dans la plus grande impunité depuis de nombreuses années. De nombreuses plaintes finissent par être classées par le Tribunal administratif de l’environnement (TAA) en l’absence d’une évaluation des dommages environnementaux par l’État costaricien : l’un des arguments avancés est l’absence d’une méthodologie validée par l’État pour l’évaluation des dommages environnementaux.
Gandoca Manzanillo : Intimidation et menaces à l’encontre des écologistes dans les Caraïbes du Sud
Rappelons qu’il y a plus de deux ans, en août 2022, l’utilisation du terme « terroriste » par un député – avec seulement quelques mois sur son CV – pour désigner des groupes écologistes du Sud Caraïbe du Costa Rica avait donné lieu à une demande d’éclaircissement : voir note par SurcosDigital. En même temps, on attendait (et on attend toujours… à ce jour) une réprimande ou une sanction, ou une expression de regret de la part du Bureau de l’Assemblée législative pour l’utilisation d’un tel adjectif venant d’un législateur costaricien : en effet, inciter à la haine, stigmatiser un petit groupe, disqualifier leurs actions avec des adjectifs de cette nature ne devrait pas être acceptable lorsqu’il s’agit d’un membre de l’Assemblée Législative.
L’incitation à la haine contre ceux qui défendent l’environnement à Gandoca Manzanillo est un sujet extrêmement grave, et les glissements sémantiques, quels qu’ils soient, ne doivent pas être autorisés.
Dans cette interview publiée sur le site de l’Université du Costa Rica (UCR) en 2021 (voir interview complète), on peut lire de la part de la célèbre auteure Ana Cristina Rossi, que :
J’étais aux Pays-Bas de 1995 à 2000 et je suis parti parce que je savais qu’ils allaient me tuer. Fin 1994, ils avaient tué María del Mar Cordero, Óscar Fallas Baldí, Jaime Bustamante et David Maradiaga, les quatre membres de l’AECO (Asociación Ecologista Costarricense) qui avaient gagné la lutte contre l’usine de copeaux de bois à Golfo Dulce. María del Mar, qui était mon amie, m’a appelée et m’a dit : « Ana, tu devrais voir qu’ils m’appellent aussi et me menacent », j’avais déjà écrit La loca de Gandoca. J’avais déjà écrit La loca de Gandoca. Cela m’a sauvé des premières menaces parce qu’il y avait des noms déguisés comme Tigre Frío, l’un de ceux qui me menaçaient le plus. En inscrivant ces noms, j’ai stoppé la première vague de menaces. Lorsque María del Mar m’a appelé, je lui ai dit : « Je suis sceptique, écris un article, qu’il soit publié, qu’il soit enregistré.
Près de trois ans après cette interview, le 14 août 2024, un forum a été organisé par l’École des sciences sociales du Tecnológico de Costa Rica (TEC) à Cartago, en présence de ce prestigieux auteur (voir vidéo du forum), sur l’histoire et la situation actuelle des Caraïbes du Sud dans la région de Gandoca.
Les dommages causés aux sites Ramsar pourraient s’appliquer dans des cas similaires à l’intérieur du pays.
Dans ce forum, il a été précisé que face aux dénonciations et aux avertissements formulés il y a plus de 30 ans, aux intimidations et aux menaces de mort qui l’ont poussée à écrire le célèbre roman « La loca de Gandoca » et à quitter le pays, il semble qu’aujourd’hui, le Costa Rica dispose d’autorités prêtes à les ignorer, sur la base d’un discours officiel qui déforme la réalité, interprète les réglementations applicables de manière fantaisiste et stigmatise les écologistes en cherchant à attiser les esprits. Le tout accompagné d’une stratégie de communication extrêmement intense déployée sur les réseaux sociaux.
On notera que cette même déformation des faits et des épisodes a également été observée dans un communiqué officiel du Costa Rica concernant Crucitas diffusé le 15 juillet 2024 (Note 3) : un récent rapport d’un groupe de journalistes d’investigation (voir article de La Voz de Guanacaste) confirme que l’affirmation selon laquelle “les coligalleros volent l’or pour l’emmener au Nicaragua” n’est qu’une légende de plus, parmi tant d’autres promues par les autorités costariciennes actuelles et certains de leurs relais locaux (les partisans, mais aussi les associations professionnelles et commerciales et leurs « experts »). Concernant les prétendues ressources que l’exploitation de l’or générerait pour l’État costaricien, une autre légende très persistante a été découverte cette fois par deux talentueux journalistes du Semanario Universidad en 2020 : voir l’article intitulé « Costa Rica exporte des millions de dollars en or qui ne paient pas d’impôts ».
Laissant de côté les légendes qui circulent au Costa Rica autour de l’or, et revenant à Gandoca Mazanillo, il est évident que de nombreuses organisations environnementales et des membres de petites communautés qui dénoncent les violations de la législation environnementale dans le sud des Caraïbes se trouvent sans défense.
Méthodologie de quantification des dommages environnementaux
De ce point de vue, il convient de noter l’absence persistante du Costa Rica en tant qu’État partie à l’accord d’Escazú, adopté en mars 2018 à … Costa Rica (Note 4). Le 28 août, la Cour constitutionnelle a rendu publique sa décision favorable concernant l’accord d’Escazú (voir statut officiel des signatures et ratifications).
La Cour constitutionnelle colombienne n’a trouvé aucun des étranges « findings » du système judiciaire costaricain pour entraver son traitement, auxquels nous avons fait référence dans notre article susmentionné et dans un article précédent sur les véritables « mythes » créés par certains secteurs contre l’accord d’Escazú (Note 5).
Gandoca / Manzanillo
En ce qui concerne le pouvoir exécutif et les intimidations de toutes sortes subies par ceux qui défendent l’environnement à Gandoca Manzanillo, la récente comparution de la plus haute autorité en matière d’environnement devant une commission de l’Assemblée législative le 6 août (voir vidéo) a dénoté une méconnaissance assez inquiétante : voir le « Je ne sais pas » que l’on entend de sa bouche à la minute 1:52:01 et qu’il répète à trois reprises.
A noter que quelques jours avant la comparution du ministre costaricien de l’environnement, la presse avait fait état de menaces (voir article du 2 août dans le Semanario Universidad et note du 29 juillet 2024). Un mois plus tôt (fin juin), un autre environnementaliste des Caraïbes du Sud avait également rendu publiques les menaces reçues à son encontre (voir note de Elpais.cr du 26 juin 2024).
En guise de conclusion
Au-delà de la sélection limitée des médias à laquelle le cabinet actuel du ministre de l’environnement et ses conseillers semblent avoir accès, il convient de noter d’emblée que la révision à la baisse des limites des sites Ramsar offre un spectacle rarement vu au sein de la communauté internationale.
En ce qui concerne le Costa Rica et les réglementations environnementales en vigueur, cette gestion inhabituelle semble se heurter à une résistance interne au sein même de l’appareil d’État de la part de fonctionnaires courageux attachés à l’importance d’un site inscrit sur la liste de Ramsar.
D’autre part, l’action en désobéissance devant les tribunaux constitutionnels confirme le refus des autorités actuelles (et des précédentes…) de se conformer pleinement aux ordonnances de la Chambre constitutionnelle depuis 2019 à Gandoca Manzanillo.
Gandoca / Manzanillo
Si la méthodologie de quantification des dommages environnementaux reste une véritable lacune de l’État costaricien (qui n’a pas voulu se doter de ce précieux outil juridique), du point de vue du système juridique international, on peut affirmer que le droit international ne permet en aucune façon de réduire les limites d’une zone humide inscrite sur la liste des sites Ramsar : en effet, l’article 4 susmentionné stipule clairement qu’une décision de cette nature ne peut être prise que « pour des raisons urgentes d’intérêt national ».
En l’absence d’une situation « d’urgence » particulièrement pressante en septembre 2024, les autorités nationales devraient procéder à l’accomplissement du mandat que le Costa Rica a assumé devant la communauté internationale, en inscrivant Gandoca Manzanillo comme site Ramsar : consolider les règles de protection existantes pour ce site, étendre et renforcer leur portée si nécessaire, plutôt que d’essayer de les réviser à la baisse.
Par ailleurs, obliger les autorités environnementales costariciennes actuelles à respecter sans plus tarder les obligations nationales découlant du cadre juridique existant à Gandoca Manzanillo et des décisions antérieures de la justice costaricienne, en sanctionnant les responsables des coupes de bois observées en 2024, est clairement une tâche qui attend de toute urgence le secteur environnemental costaricien et le reste de la société costaricienne dans son ensemble.
Notes
Note 1 : Nous renvoyons nos estimés lecteurs à une courte liste (non exhaustive) de projets ayant donné lieu à des scandales environnementaux au Costa Rica, approuvée par la SETENA au cours de la deuxième semaine de décembre : voir BOEGLIN N., « Participación ciudadana en materia ambiental : breves apuntes relativos a una reciente sentencia », 11 juillet 2023. Texte disponible ici.
Note 2 : Voir BOEGLIN N., « Costa Rica-Nicaragua : notes sur la compensation pour les dommages environnementaux à Isla Portillos fixée par la CIJ », 2 février 2018. Texte disponible ici.
Note 3 : Voir à cet égard BOEGLIN N., « Infinito Gold c. Costa Rica devant le CIRDI : plus d’un mois après une déclaration officielle du Costa Rica omettant des informations officielles du CIRDI … », 19 août 2024. Texte disponible ici.
Note 4 : Nous renvoyons nos estimés lecteurs à BOEGLIN N., « Costa Rica y el Acuerdo de Escazú : historia de una persistente ausencia », Revista de Ciencias Ambientales (UNA, Heredia), Vol. 58 (2024), pp.1-11. Texte intégral de l’article disponible ici.
Note 5 : Voir BOEGLIN N., « Les mythes sont arrivés ! À propos des récents communiqués contre l’Accord d’Escazú », section « Voz Experta », portail de l’Université du Costa Rica (UCR), 16 décembre 2020. Texte disponible ici. Concernant le caractère insolite de la découverte faite par le Pouvoir judiciaire, qui apparemment n’a pas suscité de grandes critiques au Costa Rica, nous renvoyons au sous-titre « La profonde solitude du Pouvoir judiciaire costaricien en Amérique latine » dans notre article publié sur le site juridique spécialisé de DerechoalDia, dans son édition du 17 novembre 2022.
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